La résidence alternée a le vent en poupe. Les juges aux affaires familiales en sont friands. Cela répond à une recherche d’égalité dans les rôles et les droits des pères et des mères.
Cependant l’intérêt de l’enfant, qui est le premier concerné, est-il vraiment pris en compte ? De nombreux parents ignorent la palette des bonnes conditions matérielles et humaines indispensables pour une résidence alternée réussie. Voici, selon mon expérience, les atouts et les dangers de la résidence alternée.
Définition de la résidence alternée
Dans la résidence alternée, l’enfant réside alternativement chez son père et chez sa mère. Le plus souvent sur un rythme hebdomadaire, avec un changement de domicile avant ou après le weekend : du vendredi à la sortie des classes au vendredi suivant, ou du lundi à la sortie des classes au lundi suivant.
Certaines familles adoptent un rythme de 3 semaines : cela correspond à une période chez le père, une période chez la mère, avant les vacances scolaires, qui reviennent toutes les 6 semaines. Par exception, les enfants passent le weekend de la fête des pères chez leur père, et le weekend de la fête des mères chez leur mère. Les anniversaires des enfants sont aussi fêtés avec l’un ou l’autre parent, en alternance d’une année sur l’autre.
Que se passe-t-il pendant les vacances ?
En garde alternée, l’alternance se poursuit durant les vacances scolaires. Pendant les vacances d’été, l’alternance peut se faire par quinzaines, ou par mois. A titre d’exception, les enfants passent la semaine de Noël avec chaque parent en alternance d’une année sur l’autre.
Qui paie les colonies de vacances et les séjours linguistiques ?
Cela dépend de ce qui a été convenu entre les parents, ou fixé par le Juge. C’est justement le rôle de l’Avocat d’alerter les parents et de les aider à anticiper toutes les situations qui pourront se présenter à eux. Il est de votre intérêt que la répartition des frais, tels que colonies et séjours de vos enfants, soit déjà prévue dans votre jugement, ou dans la convention parentale. (1)
Si les enfants en garde alternée sont en colonie de vacances, en séjour linguistique ou sportif, en général les frais de ces séjours sont partagés par les deux parents au prorata de leurs revenus. A titre exceptionnel, c’est le parent chez qui l’enfant est censé passer ses vacances qui prend en charge la totalité du coût de cette activité.
Sur le plan financier, les activités des enfants sont partagées par les parents s’ils l’acceptent, ou prises en charge par le parent qui a l’enfant avec lui sur cette période-là.
Si un enfant en résidence alternée doit aller en colonie de vacances ou en séjour linguistique, les parents se partageront le coût de son séjour
(1) Convention parentale : contrat entre les parents fixant les modalités de la résidence des enfants, les droits de visite et d’hébergement, et le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Elle peut être élaborée à l’issue d’une médiation familiale, ou avec un seul avocat, ou deux avocats. Elle intervient quand les parents parviennent encore à communiquer entre eux, et avant l’intervention du Juge aux affaires familiales. Le JAF peut entériner une convention parentale.
La résidence alternée : pourquoi cet engouement ?
C’est certainement la conséquence d’une évolution des mentalités de notre société, qui prône l’égalité des hommes et des femmes, aussi bien à mener une carrière professionnelle, qu’à entretenir des relations affectives quotidiennes avec les enfants. Dans ce contexte, la résidence alternée semble être la réponse idéale, aux mamans carriéristes et aux papas poules.
L’enfant devient-il le lot de consolation du père chassé de chez lui, qui a perdu femme, maison, enfants en quelques semaines ?
Afin de rétablir un équilibre dans la relation de chaque parent avec ses enfants, les Juges accordent facilement la résidence alternée.
Quelles sont les conditions pour que la résidence alternée fonctionne ?
- Une bonne communication
La résidence alternée fonctionne mieux quand les parents arrivent à communiquer entre eux. Les deux parents séparés sont co-gestionnaires du quotidien des enfants. Ils doivent donc échanger, se mettre d’accord et partager les frais occasionnés par les enfants. A contrario, lorsque la résidence des enfants est fixée chez un seul parent, c’est lui qui, dans les faits, gère seul leur quotidien. Si votre communication est rompue, voire très conflictuelle, avec votre ex-conjoint, la résidence alternée est un « faux bon plan » pour vous.
- Un périmètre de lieux de vie circonscrit
Il est nécessaire que les parents habitent à proximité l’un de l’autre, et soient proches de l’école des enfants, et de leurs activités en cas de garde alternée. Il en va du confort de vie et de l’équilibre de toute la famille.
Les parents deviennent tributaires du lieu de scolarité de leurs enfants. Si vous déménagez, même dans une commune limitrophe, il se peut que cela devienne une source de conflit avec votre « ex », au sujet de l’école de vos enfants.
Illustration
Mme Janpeuplu habite à Trifouillis : sa fille Soussi y est scolarisée. Le père M. Elmagasse, habite à Perpète, à 8 km de Trifouillis. Il conduit sa fille à l’école de Trifouillis les semaines où il en a la garde.
Mme Janpeuplu refait sa vie et achète une maison à Laizoies, commune limitrophe de Trifouillis. Elle déménage. A la demande de la mairie de Trifouillis, elle inscrit sa fille Soussi à l’école de Laizoies, pour la rentrée suivante.
Agacé par ce changement d’école, qui allonge son temps de trajet. M. Elmagasse saisit l’Inspection académique, qui ordonne l’inscription de Soussi à l’école de Trifouillis en cours d’année. Et voilà une enfant qui a deux parents séparés, deux maisons, et maintenant deux maîtresses dans deux écoles, où elle doit se rendre en alternance une semaine sur deux. Où est l’intérêt de l’enfant ?
Les deux parents sont d’accord sur un seul point : la résidence alternée est devenue invivable, et doit cesser. Ils retournent devant le Juge aux affaires familiales pour qu’il fixe qui aura la garde de Soussi et quelle sera son école.
Contre toute attente, la résidence alternée est maintenue par le juge, et Soussi doit retourner à l’école de Trifouillis, où aucun des parents ne réside.
Moralité de cette histoire : en tant que parents ayant des enfants en résidence alternée, les parents sont tributaires du lieu de scolarité de leurs enfants, pour leurs choix de vie.
La résidence alternée : est-ce vraiment l’intérêt des enfants ?
Une entrave au besoin de sécurité des enfants
Le psychologue américain Abraham Maslow a identifié dans sa pyramide de hiérarchie des besoins de tout être humain la sécurité comme deuxième besoin fondamental, après les besoins physiologiques de survie.
Les enfants ressentent donc aussi ce besoin primordial de sécurité. La résidence alternée leur impose des déménagements hebdomadaires. Elle contrarie le cadre sécurisant que permet la routine, si bénéfique à leur équilibre.
Quand ils ferment les yeux le soir, savent-ils vraiment dans quel lit ils dorment ?
Une bonne solution si la mère est dépressive
La résidence alternée est souvent mise en place quand les jeunes enfants d’une mère dépressive ont besoin de sa présence. Le père veille alors au bon déroulement des séjours chez la mère, et se tient prêt à intervenir.
Un piège quand le père est un homme d’affaires
Dans d’autres situations, le père demande la résidence alternée des enfants pour « embêter » sa femme, alors qu’elle s’est toujours occupée seule des enfants. Ainsi il lui verse une pension alimentaire plus faible (en apparence) qu’en résidence classique. Mais quand le père est un homme d’affaires, dans les faits, les enfants se retrouvent souvent seuls au domicile du père. Il sait que la mère (qu’il prévient) ou ses propres parents s’occuperont des enfants.
Ainsi, le papa continue de mener sa vie comme il l’entend. De son côté, la mère ne peut pas organiser ou refaire sa vie, puisque, même sur le temps où elle devrait être libérée de ses fonctions maternelles, elle peut être mise à contribution au pied levé.
L’avis d’un pédopsychiatre
Le professeur Marcel Rufo, pédospsychiatre de renom, écrit dans son ouvrage Détache-moi ! Se séparer pour grandir (2) qu’il n’est pas favorable à la résidence alternée. Il assimile ce mode de garde au jugement de Salomon « on coupe l’enfant en deux, toujours dans son intérêt, cela va de soi. » (p.139)
Marcel Rufo indique que « la domiciliation chez l’un ou l’autre (des parents) peut paraître une solution radicale, mais elle permet à l’enfant de prendre position, de se situer, et de reconnaître une souffrance (celle de la séparation de ses parents) que la garde alternée tente de nier. »
Son intention n’est pas de « priver les pères de quoi que ce soit ». Il préconise « une véritable alternance : une année chez le père, une autre chez la mère, ou le primaire chez la mère, le secondaire chez le père. Pendant ce temps le parent non-gardien exerce un droit de visite classique, un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires. Voilà une autre vision de la parité. »
(2) Détache-moi ! Se séparer pour grandir, Essai, Professeur Marcel RUFO, Editions Anne Carrière, diffusion Hachette, Paris 2005
Les conseils de Maître LELACHE, avocate en droit de la famille à Versailles :
Parents : soyez à l’écoute des besoins de vos enfants. Ne laissez pas la mésentente du couple guider vos choix.
Ne cédez pas à l’effet de mode : la résidence alternée n’est pas une solution adaptée à toutes les familles. Elle peut vite devenir invivable quand les parents sont en conflit.
D’expérience, je vous recommande un mode de résidence classique (3). Vos enfants grandissent et leurs besoins évoluent, sachez y répondre avec amour. Si votre adolescent, en fin de collège, veut aller vivre chez l’autre parent pendant ses années de lycée : offrez-lui ce cadeau.
(3) Mode de résidence classique : résidence de l’enfant fixée chez un parent avec un droit de visite et d’hébergement un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires pour l’autre parent.