En tant qu’avocate en droit de la famille à Versailles, je suis confrontée à de nombreux cas d’enfants ou d’adolescents qui subissent des maltraitances physiques ou psychologiques.
Il peut s’agir d’agressions sexuelles, de privations de soins ou d’aliments, de coups et blessures mais aussi de brimades ou de dénigrements répétés. Toutes les classes sociales sont concernées par les maltraitances sur mineurs.
D’ailleurs, la majorité des affaires traitées par mon cabinet touche des familles de cadres supérieurs. Dans cette situation d’enfance en danger, je m’aperçois que mes clients sont démunis face au nombre d’intervenants, dont ils ignorent les rôles et les pouvoirs.
La Cellule des informations préoccupantes : l’administration est saisie
Le point de départ est le constat de la souffrance d’un mineur par un tiers tel que : directeur d’établissement scolaire, assistante sociale, centre de PMI, médecin, voisin ou membre de la famille. S’il est convaincu que l’enfant est en danger, le professionnel établit un signalement auprès de la Cellule des informations préoccupantes (1). On peut aussi appeler le 119 : Allo enfance en danger.
(1) La Cellule des Informations Préoccupantes : au niveau départemental, elle reçoit, filtre et oriente les informations préoccupantes concernant les mineurs en danger moral ou physique.
Des services sociaux au Procureur de la République : la justice est saisie
Une enquête est menée par les services de la Protection de l’enfance (2) auprès de la famille et de son entourage. Les résultats de cette enquête sont transmis au Procureur de la République (3). Selon le cas et sa gravité, le Procureur :
- classe l’affaire sans suite
- rend une ordonnance de placement provisoire
- saisit le juge des enfants (4)
L’enquête peut durer de nombreux mois avant d’être transmise au Procureur de la République. Les parents n’auront connaissance de son contenu qu’au moment de passer devant le Juge des enfants.
(2) Le Service de la Protection de l’Enfance : organisme départemental, chargé de la protection de l’enfance.
(3) Le Procureur de la République : au sein du Tribunal Judiciaire, il dirige les enquêtes menées par la police et la gendarmerie. Le Parquet des Mineurs est en charge des affaires de violences familiales, conjugales et sur mineurs.
(4) Le Juge des enfants : il est saisi par le Procureur de la République, ou par le parent d’un mineur, dont les conditions d’éducation sont préjudiciables. Il peut ordonner :
- Une Mesure Judiciaire d’Investigation Educative (M.J.I.E.) : une enquête sociale et psychologique sur la famille
- Une expertise psychiatrique de la famille
- Une mesure d’Assistance Educative en Milieu Ouvert (A.E.M.O.) : un éducateur rencontre régulièrement l’enfant dans sa famille
- Le placement d’un enfant : en foyer, dans une famille d’accueil ou chez un membre de la famille.
Le Juge des enfants : le garant de la sécurité des enfants
Jusqu’à ce stade, les parents, suspectés de « maltraitance » ignorent ce qui est dit et relevé contre eux et ne peuvent donc pas facilement préparer leur défense.
C’est peu de temps avant l’audience devant le Juge des enfants, que les parents découvrent les carences éducatives qui leur sont reprochées. Votre avocate (5) n’a que quelques jours pour aider son client à bâtir un argumentaire qui fera contrepoids.
Les enfants sont aussi convoqués par le Juge des enfants, à la même audience que leurs parents. Les parents ne prennent pas toujours un Avocat en droit de la famille pour les assister, mais c’est recommandé. Il est bon aussi de demander à l’Ordre des Avocats de désigner un avocat d’enfants (6), qui pourra aider votre enfant à mieux vivre l’audience et portera sa parole face à tous les adultes réunis dans le bureau du Juge.
(5) L’Avocat des parents : il prend connaissance du dossier auprès du greffe du Juge des enfants et en communique le contenu aux parents. Il assiste les parents devant le Juge des enfants ou la Cour d’appel.
(6) L’Avocat d’enfants : il est désigné par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, à la demande d’un parent ou du Juge. Il est rémunéré au titre de l’aide juridictionnelle.
Les experts et les enquêteurs : les yeux et les oreilles des juges
S’il a besoin de plus d’éléments pour emporter sa conviction, le Juge des enfants ordonne une MJIE (Mesure Judiciaire d’Investigation Educative). Souvent les services chargés de cette enquête complémentaire disposent de plusieurs mois pour rendre leur rapport. Ils interrogent : les parents, les enfants et les intervenants autour de l’enfant.
La situation est paradoxale : d’une part un enfant en danger et d’autre part un report de prise de décision. Cela génère parfois incompréhension et frustration pour les victimes.
Lors des investigations, les enquêteurs rencontrent les parents à leur domicile, ce qui peut être vécu comme une violation de leur vie privée et une intrusion insoutenable. En outre, les services enquêteurs préviennent toujours les familles de leur passage ce qui permet parfois de masquer des situations inavouables.
Le Juge des enfants peut ordonner une expertise médico-psychologique réalisée par un psychologue, ou une expertise psychiatrique réalisée par un médecin psychiatre. Cette expertise se déroule au cabinet du psychologue ou du médecin psychiatre, qui rencontre chaque membre de la famille, afin de comprendre leur histoire.
Les rapports d’enquête, comme les expertises, aident le Juge des enfants à prendre sa décision. Les cabinets des Juges des enfants sont tellement chargés que les reports d’audience, qui permettraient le respect du principe du contradictoire vis-à-vis des parents, sont très rarement accordés.
Les parents découvrent des éléments qui souvent les accablent, très peu de temps avant l’audience. Il leur est difficile de rassembler dans les délais impartis toutes les preuves écrites pour faire entendre leur vérité.
Le Juge aux affaires familiales : l’arbitre du conflit parental
En pratique, lorsqu’il y a un enfant en danger, il y a souvent un jeu de va-et-vient entre le Juge des enfants et le Juge aux affaires familiales (7). A tel point que personne ne comprend précisément le périmètre de compétence et d’intervention de l’un et de l’autre.
Le Juge des enfants dit souvent qu’il n’est là que pour vérifier si les enfants sont en danger ou non dans leur cellule familiale. Il refuse qu’il soit fait état devant lui du conflit parental ou des violences conjugales ou intra familiales qui ont pu précéder la séparation du couple. Le Juge des enfants renvoie les parents à saisir le Juge aux affaires familiales, éventuellement à bref délai, s’ils veulent obtenir une modification de la résidence des enfants ou de leurs droits de visite et d’hébergement.
Pour en savoir plus sur la résidence alternée
Pour en savoir plus sur le droit de visite et d'hébergement
(7) Le Juge aux affaires familiales : il intervient quand les parents sont séparés. Il fixe ou modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale :
- Lieu de résidence des enfants (chez le père, chez la mère, ou en alternance chez l’un et chez l’autre)
- Droit de visite et d’hébergement de l’autre parent
- Montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (pension alimentaire)
La Cour d’appel : une seconde chance
Les parents ou le Conseil départemental peuvent interjeter appel des jugements rendus par le Juge des enfants. Malheureusement, les délais d’audiencement devant la Cour sont de plusieurs mois.
Malgré l’appel, les mesures ordonnées par le Juge des enfants continuent à s’appliquer jusqu’à la décision de la Cour, qui intervient souvent quelques semaines avant l’audience annuelle (8) organisée par le Juge des enfants. Ainsi les mesures préconisées par la Cour d’appel ne s’appliqueront que très peu de temps, puisqu’elles pourront être réexaminées par le Juge des enfants.
Voyons les choses positivement : ce temps peut être utile pour permettre aux parents de mettre en place les changements préconisés par le Juge des enfants. Ainsi, un parent qui est sous l’emprise de l’alcool pourra, s’il le souhaite, rapporter à la Cour la preuve qu’il a suivi une cure de désintoxication et ne consomme plus d’alcool. Avec l’aide de leur avocat, les parents peuvent démontrer que les faits ayant motivé le placement ne sont plus d’actualité, que leur situation familiale a favorablement évolué, et que le retour des enfants chez eux est envisageable.
(8) L’audience annuelle : lorsqu’un Juge des enfants ordonne une mesure, elle est souvent valable pour une année. Ainsi le Juge reconvoque la famille à date anniversaire de sa 1e décision, afin de suivre l’évolution des enfants, et d’ajuster les mesures éducatives ordonnées.
Les conseils de Maître LELACHE, avocate en droit famille à Versailles :
En matière d’assistance éducative, je recommande aux parents d’être accompagnés d’un Avocat pour bien préparer les audiences devant le Juge des enfants.
C’est une épreuve longue et difficile à traverser. Faites de votre mieux pour entretenir de bonnes relations avec les intervenants de la Protection de l’enfance. Votre avocat portera votre parole et vous conseillera pour réunir les conditions qui permettront de démontrer que vos enfants sont en sécurité avec vous.
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