En principe, vos parents ne peuvent pas déshériter leurs enfants, cependant ils peuvent dépenser comme ils le souhaitent leur argent...
En droit français, une personne ne peut disposer par voie de libéralités (par ex. testament, ou donations entre vifs) que de la quotité disponible, après avoir alloué à chaque héritier sa part réservataire. Il n’est donc pas possible de totalement « déshériter » un héritier.
Définitions de la réserve héréditaire et de la quotité disponible
La réserve héréditaire est la portion de ses biens qu’une personne ne peut pas donner par libéralité (testament ou donations avant son décès) librement, et qui revient à ses héritiers, appelés héritiers réservataires.
Les descendants sont des héritiers réservataires. La réserve héréditaire est d’ordre public, il n’est pas possible d’y déroger. La quotité disponible correspond à la part de son patrimoine dont une personne peut librement disposer, sans porter atteinte à la réserve héréditaire.
Exemples :
- Lorsqu’il y a un enfant, la part réservataire est de la moitié, et la quotité disponible est de la moitié.
- Lorsqu’il y a deux enfants, la part réservataire est de deux tiers, et la quotité disponible est d’un tiers.
- Lorsqu’il y a trois enfants ou plus, la part réservataire est de trois quarts, et la quotité disponible est d’un quart.
Vous avez le sentiment d’être désavantagé par rapport aux autres héritiers
En théorie le partage entre les enfants devrait être égalitaire. Cependant certains frères ou sœurs ont pu profiter d’être plus proches de leurs parents, pour recevoir des avantages au détriment des autres. Il y a donc une situation de déséquilibre de fait entre les héritiers.
Afin de rétablir ce déséquilibre, la loi impose que les libéralités consenties du vivant du défunt soient rapportées à la succession si elles excèdent la quotité disponible. Si les bénéficiaires des libéralités ne les reconnaissent pas spontanément, c’est aux héritiers lésés d’en rapporter la preuve, avec l’aide de leur avocat en succession.
Une illustration de déséquilibre entre héritiers suite à une donation
Pierre et Germaine, décédés en 2018, avaient deux enfants : Josette et Arthur. En 1990, ils ont donné 100 k€ à Josette, ce qui représentait la moitié du prix d’achat de son appartement à VERSAILLES. Ils n’ont rien donné à Arthur.
A leur décès, Pierre et Germaine avaient un patrimoine de 40 k€. En 2018, l’appartement de Josette vaut 400 k€. Josette doit rapporter à la succession la valeur qui correspond à ce qu’est devenue la donation reçue, soit la moitié de son appartement, soit 200 k€.
La masse à partager est de 240 k€ : 200 k€ que Josette rapporte à la succession + 40 k€ patrimoine des défunts au jour du décès.
Puisqu’il y a deux enfants : la part réservataire de chaque enfant est d’un tiers de la masse à partager soit 240 k€/3 = 80 k€. Arthur a droit à 80 k€, Josette a droit à 80 k€.
La quotité disponible, dont pouvaient disposer les parents par libéralité, au profit de qui bon leur semblait, est aussi d’un tiers de la masse à partager, soit 80 k€.
Au moment du partage de la succession, Arthur va récupérer les 40 k€ du patrimoine restant. Il lui manque 40 k€ sur sa part réservataire. Sa sœur Josette devra donc lui verser une soulte de 40 k€, puisque ce qu’elle a déjà reçu de ses parents (évalué à 200 k€) a dépassé la quotité disponible.
C’est ainsi qu’un héritier qui a bénéficié de libéralités de ses parents, peut se retrouver débiteur envers les autres héritiers. Au final, Arthur aura reçu 80 k€ de ses parents et Josette 160 k€.
Si la libéralité a été consentie à un tiers et dépasse la quotité disponible, les héritiers peuvent demander la réduction de cette libéralité : le tiers bénéficiaire devra rendre à la succession la part qui dépasse la quotité disponible (par exemple 40 k€, si Josette avait été une amie des parents et non leur fille). La difficulté est de rapporter la preuve des libéralités.
Bon à savoir
Sur présentation de l’acte de notoriété, attestant de leurs qualités d’héritiers, les banques remettent aux héritiers qui en font la demande, les relevés bancaires des dix années antérieures. Les héritiers peuvent aussi interroger les banques de données FICOVIE et FICOBA (qui ne sont pas toujours à jour).
Les conseils de Maître LELACHE, avocate en droit des successions à Versailles :
Le droit des successions est une matière complexe, qui nécessite beaucoup de calculs et de preuves. Ces preuves se préparent au fil du temps, car il peut être difficile de les rapporter au décès des parents.
Communiquez autant que possible avec vos parents, si vous ne souhaitez pas faire des découvertes désagréables au moment de leur succession. Faites-vous accompagner de professionnels compétents pour retracer et évaluer le patrimoine qui a pu vous échapper.